Les appartements de Kernos

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Citation :

La pièce est constituée du grand lit à baldaquin, d'un bureau, d'une petite étagère et de deux fauteuils. Des tapis et des tableaux sont présents un peu partout, il note également l'existence de deux portes dont l'une est entre-ouverte et donne sur une salle de bain.

Kernos avait quitter Matthias et Judith une quinzaine de minutes plus tôt. Entre temps, il avait fait un détour par les cuisines pour faire des provisions avant le voyage qui les attendait. Il prit sa vieille besace qui pendait au dossier de la chaise où l'on avait déposer ses affaires, encore en état, lors de son arrivée fracassante au palais.

Il fouilla son sac et étala son contenu sur le bureau de la pièce. Un poignard en acier, une pierre à aiguiser, une gourde à moitié vide, un vieux morceau de pain sec, deux pierres-à-feu, un petit sac de tabac et sa pipe. Il fit un tri rapide de ces objets. Il s'assura que son poignard était toujours bien affuté et le remit dans son sac. Il y glissa aussi son nécessaire à tabac et sa pierre à aiguiser. Il laissa le quignon de pain et vida le fond de sa gourde (un si bon vin ça ne se perd pas) qu'il quitta sur la table.

Il rangea également ses nouvelles provisions dans la besace: une gourde pleine d'eau, du pain frais, trois morceaux de viande séchée et salée, deux pommes et une flasque en métal qu'il avait trouvé dans les cuisines et remplit d'un alcool fort au parfum d'épice inconnu, mais fort agréable.

Il se rendit dans la salle de bain pour se rafraichir le visage et retirer son bandage à l'épaule, la blessure avait disparue. Il remarqua une armoire dans un coin qui abritait une garde de robe relativement bien fournie. Il y dénicha une nouvelle chemise pour remplacer celle que la flèche avait déchirée et un chapeau en tricorne de couleur brune qu'il coiffa. Il prit une nouvelle cape (celle qu'on lui avait prêté quelques heures auparavant était désormais la possession d'un des soudards de Jurt, seul trophée qu'ils purent emporter de cette expédition), sombre et épaisse, et se dirigea vers son ancien équipement.

Il prit son vieux glaive qu'il attacha à sa ceinture et glissa une de ses dagues dans sa botte droite. Il saisit sa besace ainsi que l'épée qu'il avait conservée de l'entrevue.

Il avait la main sur la poignée quand il sentit le début d'un contact par Atout. Il laissa la porte de son esprit s'ouvrir tranquillement.

Kernos...

Oui Matthias, Llewelyn est-il arrivé?

Vous apprenez par les serviteurs du palais, qu'après avoir quitté Kernos et Judith, Llewelyn a regagné sa chambre pour ne pas en ressortir, mais lorsque les deux compaires se rendent devant celle ci, la porte reste close, et aucun signe de vie ne vient distraire une oreille indiscrète collée au bois usé de la porte en question.

"Merci"

Il se dirige vers la chambre du rebman, et devant la porte close.

"Par la mort bleu, voilà bien là des manières. Je ne vais tout de même pas déambuler toute la journée dans le vain espoir de rencontrer Judith ou son mentor. Kernos, je sais votre désir de partir en bonne compagnie, et que vous tenez pour sûr les engagements pris, mais visiblement tous n'ont pas les mêmes objectifs. Je vais passer consignes à quelques gardes en faction, ils seront bien retrouver ou tomber par inadvertance sur notre oncle et sa pupille.

Rester plus longtemps, encore."

Il fronce les sourcils,

"Je pense qu'en l'absence de notre hôte de palier, nous ferions peut être mieux d'adopter une nouvelle ligne de conduite. Cousin je ne partirai pas sans vous. Mais pourquoi attendre ce qui de toute évidence n'ont pas la patience de faire de même en retour."

A l'instant même où Matthias achève sa phrase, une porte s'ouvre violement à quelques mètres d'eux, les faisant se retourner en sursaut, et une jeune fille en surgit précipitament, avant de la claquer derrière elle comme si elle avait le diable en personne à ses trousses.

Matthias et Kernos, à leur grande surprise, reconnaissent Judith.
Elle semble terrorisée, et sa peau est marquée par de nombreuses entailles qui ont tout l'air d'être récentes.

Comme à son habitude, la galerie des miroirs apparaît et disparaît comme cela lui chante, obéissant à une logique mystérieuse.

La porte d'où vient d'arriver Semaëll débouche désormais sur un couloir vide, calme, sans rien de menaçant.

HRJ /Suite au message de Judith, je comprend un peu mieux la situation. J'attends la réaction de mon joyeux cousin, Kernos.

A la vue de Kernos, Semaëll avait été saisie d'une soudaine et inexplicable sensation de réconfort et s'était laissé guider vers le petit salon avec un soulagement non feint.

Semaëll était agréablement étonnée par l'attitude du jeune homme.
Bien que d'une stature et d'une force très impressionantes, ce dernier n'avait pas dans ses gestes et attitudes la brutalité coutumière aux gens de ce gabarit, comme elle avait pu en voir par le passé.
Les gestes de Kernos, au contraire, étaient doux et précis, preuve d'une force tranquille bien palpable.

Semaëll, assise dans le fauteuil, avec sur les épaules la cape de Kernos, bien trop grande pour elle, qui lui donnait d'ailleurs un air un peu comique, se sentit en confiance, ainsi qu'en sécurité, et accepta le verre d'une main encore un peu tremblante, mais déjà plus assurée. Elle en but une gorgée rapide. N'ayant pas l'habitude de l'alcool fort, elle toussa un peu et son visage pâle se colora quasi instantanément.

Elle ouvrit la bouche pour parler mais s'embrouilla un peu dans ses explications.
Elle reprit une grande respiration, regarda Kernos droit dans les yeux et parla d'une voix hésitante et marquée par l'émotion:

"Je me suis perdue...Et je me suis retrouvée dans un couloir, il y avait des miroirs, plein de miroirs... J'ai vu des gens dans les miroirs, qui m'ont parlé. C'était.... Et puis d'un seul coup..."

Semaëll hésita et rougit de gêne et de dégoût au souvenir de cette présence qui l'avait frôlé, caressé, puis tenté de l'étrangler.
Elle décida de ne pas entrer dans les détails.

"Il y avait quelque chose dans les miroirs, quelque chose de malfaisant. J'ai été saisie d'une terreur surnaturelle, j'ai paniqué. C'était comme si mon esprit était soudain paralysé de peur. J'ai dû briser les miroirs pour échapper à l'emprise mentale de cette... chose. Mes coupures, c'est pour ça..."

Même si ses explications semblent confuses, les marques que porte Judith à son cou et les coupures au sang sont bien la preuve d'une agression...

Même s'il ne reste aucun éclat de verre sur sa robe pour l'attester, où si l'angle d'attaque de l'étranglement parait bien étrange à deux combattants émerites comme Kernos et Matthias.

Sans doute un effet trompeur de la lumière ?

Kernos se tourna un instant vers Matthias pour lui faire un signe de tête

*Encore un peu de patience...*

Il se pencha à nouveau vers Judith qui commençait à reprendre des couleurs, c'était bon signe, l'alcool l'avait ragaillardi. Il regarda la marque entourant la gorge pâle de la jeune femme, quelque chose le perturbait, l'angle d'attaque n'était pas commun... Sans doute cela étayait le récit étrange qu'elle leur avait fait sur les miroirs, l'attaque... Mais cela signifiait beaucoup plus, même le palais d'Ambre n'était plus sûr, enfin encore moins que d'habitude.

Kernos se leva et fouilla dans sa besace, il en sortit un rouleau de bandage et des compresses. Bien qu'il savait que les blessures de Judith se soigneraient très rapidement, comme il l'avait pu observer plutôt, il est toujours plus agréable et plus prudent de fournir un minimum de soins pour éviter les infections ou juste la sensation d'avoir la peau à vif et de voir son sang tacher ses vêtements.

Il s'agenouilla prêt d'elle et reprit sa bouteille d'alcool pour imbiber les compresses qu'il approcha des coupures de Judith.

Cela risque de vous piquer un peu Judith...

Il appliqua les compresses sur les plaies encore fraîche de la demoiselle en prenant soin de ne pas appuyer trop fort. Il nettoya le sang coagulé et confectionna des pansements avec les bandes qu'il enroula autour de ses bras meurtris. Il se releva, admira quelques instants son travail et sa solidité, puis sourit à la jeune femme.

Je crois que cela devrait suffire pour le moment... Quand à ce qui vous est arrivé tout à l'heure, je crois que l'on peut l'attribuer à la mystérieuse Galerie des Miroirs du Palais...

Mon père m'en a parlé une fois, elle n'apparait jamais au même endroit et jamais on ne peut prévoir quand elle s'offrira à nous... Un des nombreux mystères d'Ambre, tout ce que je sais c'est qu'elle peut être très dangereuse... Il pointa les blessures de Judith du doigt... comme elle peut être une source d'informations incroyables, tout dépend si on accorde foi aux images des miroirs qu'elle abrite...

Il resta un moment perdu dans ses pensées, essayant de se rappeler ce que Bleys lui avait enseigné là-dessus... Pas moyen de se souvenir... Il refit surface et s'appuya sur le dossier du fauteuil où Judith se tenait, et se pencha vers elle.

Judith, je crois qu'il est temps pour nous tous de quitter le palais pour trouver ce qui se cache derrière tous ces évènements étranges: l'enlèvement de Julian et Corwin, Jurt, les attaques au sein du palais, votre agression... Nous ne sommes pas en sécurité ici, il faut que nous partions, Jurt ou ses sbires auront plus de mal à nous repérer si nous sommes en mouvement, ici nous sommes une cible idéale...Tous regroupés entre quatre murs...

Son regard balaya la pièce, des murs aux blessures comme pour illustrer ses dires.

Il faut retrouver votre maître et partir au plus vite à la recherche de Jurt et de la Marelle de Corwin.

Précédant le jeune homme dans le couloir, Semaëll constata avec stupeur qu'elle se trouvait effectivement à deux pas de ses appartements.

*Cela ne peut pas être dû au hasard. Cette étrange galleries des miroirs aurait donc une volonté propre ?*

Elle s'apprêtait à frapper à la porte de Llewelyn, lorsque ses deux compagnons lui apprirent qu'il ne s'y trouvait pas.

La jeune fille se dirigea alors vers sa propre chambre.
Un petit salon précédait la chambre à coucher proprement dite, et Semaëll invita Kernos et Matthias et s'y assoir, précisant qu'elle ne serait pas longue à se préparer.

Elle se rendit ensuite dans la pièce attenante, où se trouvaient son lit et la grande penderie dans laquelle elle avait choisie sa tenue à peine deux heures auparavant.

Elle remarqua alors une feuille de papier posée sur le lit.
C'était un mot de Llewelyn qui lui expliquait où le rejoindre.

C'est avec regret qu'elle quitta sa belle robe noire aux broderies d'or, pour revêtir une tenue plus pratique.
Elle enfila un pantalon de lin noir, léger et confortable, ainsi qu'une tunique vert sombre et les bottes qu'elle avait à son arrivée. Elle compléta sa tenue avec une paire de mitaines en soie noires, qui dissimulaient les blessures de ses paumes, et une cape en feutre vert bouteille.

Elle fit ensuite quelques pas en direction de la salle de bain, dans le but de faire un brin de toilette, mais elle se figea net sur le seuil. Elle venait d'apercevoir par terre les éclats du miroir qu'elle avait brisé.
Elle secoua la tête pour chasser cette vision de son esprit et fit immédiatement volte face.

Elle coiffa rapidemment ses cheveux en deux nattes, qu'elle enroula et fixa solidement à l'aide d'épingles à chignon, puis rejoignit les deux cousins.

"Je suis prête." annonça t-elle en entrant dans le petit salon.
"Il ne me manque plus qu'à m'armer. Quand à mon maître, je sais désormais où il se trouve."

Elle tendit la lettre de Llewelyn à Kernos pour appuyer ses dires.

"Vous serez, je le pense, davantage qualifié que moi pour nous y mener."dit-elle en souriant.

Le message est assez court, et le cachet à présent déscellé représente une licorne sortant des flots, le symbole du prince rebman

Il est écrit :

Citation :

Dame Judith rejoignez moi dès que vous en aurez fini dans l'annexe de la trône, qui fait office de salle du conseil !

Signé : Llewelyn, prince de Rebma.

L'écriture aux nombreux déliés est des plus étranges, et trahi un peu de l'anxiété du prince.

Lorsque vous rejoignez enfin la salle du conseil, où se tient généralement des assemblées d'état major en présence du roi, vous croisez le prince Bleys qui en sort, le visage assombri.

Aussitôt qu'il reconnait Kernos, celui ci s'éclaire rapidement, mais la présence de Dame Judith produit un effet bien plus grand encore, et il n'en faut pas plus pour que le charmeur invétéré fasse assaut de ses talents en matière de séduction, comme s'il la voyait pour le première fois.

" Dame Judith, le moindre de vos atours ne rend pas justice à votre éclatante beauté, et vôtre grâce. "

Kernos qui ne le connait que trop bien, sent que son père pourrait vouloir régler à travers elle un compte personnel avec le prince rebman, et en dehors de son propre code d'honneur qui trouve cela un peu cavalier, une pointe de jalousie née aussitôt dans son coeur.

La détresse de Dame Judith y étant sans doute pour quelque chose...

Semaëll s'apprêtait à répondre à Bleys lorsque, à sa grande surprise, Kernos vint se placer juste devant elle, dans une position de défi qui semblait aussi délibérée que précisément calculée.

La jeune fille fut saisie par la ressemblance frappante existant entre les deux hommes. Cela ne lui avait pas sauté aux yeux la première fois, mais maintenant qu'elle les voyait face à face, leur lien de parenté lui apparut très clairement.

Elle considéra un instant ces deux hommes si semblables, et pourtant différents. Tous deux dégageaient la même force, le même genre d' élégance, et pourtant...

*Le père est fort éloquent, sans doute est-il davantage rompu aux jeux de la séduction que son fils... et tient-il à le faire savoir.

Mais ce que Kernos perd en rhétorique, il le compense largement par la sincérité de ses propos, ce qui ne me semble pas être votre cas, Prince Bleys.* se dit-elle malicieusement.

Coupant court à la mini joute qui était en train de se jouer sous ses yeux entre le père et le fils, Semaëll s'avança tout en prenant la parole, mais demeura délibérément aux côtés de Kernos.

"Prince Bleys, votre compliment me fait rougir, je ne suis pas sûre de mériter que l'on attache à ma personne des termes aussi flatteurs" dit-elle dans un sourire.

"Toutefois"ajouta t-elle d'un ton nettement moins sucré, "nous ferions bien de remettre ces charmants salamalecs à plus tard, car pour l'instant, des tâches bien moins plaisantes semblent nous attendre. Et il m'est avis justement que nous ne les avons fait que trop longtemps attendre... Aussi, si vous le permettez, nous allons rejoindre Llewelyn à l'intérieur."

Elle fit une rapide révérence et, du regard, invita Kernos à la suivre.

Semaëll ne peut s'empêcher d'être troublée face aux charmes de Bleys. Qu'un tel personnage puisse s'intéresser à ce point à elle était aussi grisant que déroutant.

Elle regarde le prince s'éloigner d'un air pensif, puis se retourne vers Kernos.

"J'ignorais que le charme était héréditaire" lui glisse t-elle dans un sourire malicieux.
"Désormais je sais de qui vous tenez le vôtre."

Sans attendre la réponse du jeune homme, elle frappe à la porte et entre.


(A suivre dans "Un peu d'action")