Un réveil brutal

Les trois cavaliers voyagent rapidement dans les méandres de la forêt d'Arden.

Après deux heures de chevauchée, ils arrivent à un nouveau relais.
L'Archer fait un signe à l'un des gardes de Julian qui attrappe le licol de l'étalon. Il descend rapidement de cheval et murmure quelque chose à l'homme qui attend la jument de Samaëll pour les conduire à l'écurie.

L'Archer se retourne vers la jeune femme et le prince d'Ambre. Il dit sévèrement :

- Nous allons manger ici si vous le souhaitez. Un bon feu vous fera du bien Ma Dame.

- Ca tombe bien, je commençais à avoir faim !

* Ambre !

On approche d'Ambre, ses sens ne le trompe pas, bientôt l'heure de vérité ! *

Llewelyn acquièsce d'un rapide signe de la tête, avant de descendre à bas de sa monture dans un geste grâcieux.

Le froid le saisit un peu, et il remonte la capuche de son manteau de façon à dissimuler partiellement son visage, puis tout en flattant le col de Mist, il observe attentivement les lieux, leur disposition, les hommes présents, visibles ou invisibles...

Il s'amuse en constatant que Semaëll essaye, non sans courage, de ne rien faire voir de sa douleur, et de sa gêne actuelle, une attitude qui lui faisait honneur, il fallait qu'elle affermisse son caractère, et le plus tôt serait le mieux.

Sauf demande express de sa part, il la laisse se débrouiller seule, rejoignant en cela un peu de la froideur de leur guide, en mettant un peu de distance entre eux.

L'approche de la cité d'Ambre opérait sur lui un profond changement dans sa personnalité, de prime abord avenante, rien ne devait pouvoir l'atteindre, et l'affection (familiale) qu'il portait à la jeune fille, est une faiblesse qu'il ne pouvait plus se permettre à présent, qu'on approche du dénuement.

Les postes de gardes d'Arden sont spartiates. Ils abritent une demi-douzaine de soldats aguerris et disciplinés qui font à la fois office de sentinelles, de frontaliers, de gardes chasse et de palefreniers.

Les bâtiments, le barraquement et l'écurie, sont construits habilement en rondins de bois et bien isolés au torchis et au chaume. La pièce principale est meublé de tabourets et d'une grande table de bois, entourés de paillasses de paille.
Un feu brûle en ronflant dans l'âtre d'une grande cheminée placé contre l'un des murs.

Les gardes diposent rapidement sur la table des victuailles : du fromage, de la viande séchée, du saumon fumée, une pièce de gibier cuite, une tourte de pain et des fruits.

L'Archer ne se joint pas au repas. Il s'entretient doucement avec les gardes.

Llewelyn s'assied sans plus de cérémonie et une fois que Semaëll a fait de même, entame son repas, non sans avoir fait les vérifications d'usages (odeurs suspectes, goûts étranges, etc).

Sa capuche lui masquant toujours une partie du visage, il s'avance un peu pour parler à son apprentie à voix basse.

- Vous avez choisi comment je vais devoir vous présenter ?

Semaëll mange avec plaisir. Son épaule blessée la lance, à cause de la chevauchée, et elle se sent physiquement épuisée, mais elle se sent bien, curieusement.
Voyager au milieu de cette forêt sublime et profonde la détend, et la présence à ses cotés de Llewelyn et de la troupe dirigée par l'Archer mystérieux (qui de surcroît est soudain devenu plus poli envers elle) la rassure.

Elle reste sur ses gardes toutefois. On ne sait jamais ce qui pourrait surgir des profondeurs du bois. Elle est toujours en danger, ce qu'elle ne risque guère de perdre de vue...

Mais là, en cet instant, elle décide de se laisser un peu porter par les événements et de s'en remettre à Llewelyn sans plus poser de questions. Elle se rend compte qu'à partir de maintenant il vaut mieux pour elle éviter d'être trop bavarde, car une seule maladresse risquerait de révéler son identité (ou pire, son état amnésique) et de la mettre en fâcheuse position, et Llewelyn avec elle.

Tout en mangeant, elle regarde le jeune homme par en dessous.

*Tout repose sur lui désormais.
Ca me gêne un peu de devoir lui accorder autant de confiance. Désormais, il tient littéralement ma vie entre ses mains... Et pourtant c'est un quasi inconnu pour moi. Mais je n'ai pas le choix.
Jusqu'ici, je n'ai pas eu matière à me méfier de lui. Espérons que ça va durer. Je dois suivre mon instinct...*

Elle croise un instant son regard.

*Et si j'étais en train de me passer la corde au cou ?*

Elle lui adresse un sourire espiègle.

"Je m'appelle Judith. Enchantée de faire votre connaissance !"

*Semaëll, si ton instinct te joue des tours, tu es morte.*

L'Archer s'approche de la table et demande :

- Est-ce que vous souhaitez vous reposer ici ou continuons nous ?

Le jeune homme au visage halé et aux longs cheveux de jade soustrait du regard des curieux par la capuche de son manteau (dont les teintes se sont visiblement adaptés à l'environnement des lieux), arbore un sourire des plus énigmatique lorsque Semaëll énonce sa nouvelle identité.

* Judith ?

Espérons que ce choix sera dès plus judicieux... *

On entrait à présent dans un jeu de dupe qu'il connaissait bien, pour l'avoir longtemps pratiqué et son regard de jade tirant parfois sur l'émeraude, tout en douceur masquée malgré sa dureté apparente, trahissait un peu de la longue expérience que sa jeune apparence lui déniait.

Llewelyn se raidit un peu à l'approche du maître archer, il l'écoute avec attention, puis constatant que Semaëll a fini de manger, il se lève et lui répond.

- Notre temps est précieux, et ma jeune apprentie Judith doit avoir repris suffisamment de force, pour que nous puissions continuer à présent !

Allons y !

L'Archer fait un geste à l'adresse des gardes du poste. Les hommes s'inclinent, sortent et ramènent devant la porte des chevaux frais.

Les trois personnages reprennent la route sans attendre à travers la forêt d'Arden.
De relais en relais, ils voyagent deux jours durant pour sortir de la forêt dans les champs qui entourent la cité d'Amre.

-> Les portes d'Ambre